mercredi 10 février 2016

La vocation de Sophie Fontanel et son immense questionnement sur l'élégance


La photo, comme ce titre à rallonge anti-peps, ne rend pas honneur à cet ouvrage. D'abord la photo, prise à l'aéroport Charles de Gaulle pour Instagram car j'avais 6h de retard, je devais donc attendre, je suis rentrée dans un kiosque et j'ai trouvé Jésus, revue de bouffe dont je vous reparlerai et le dernier livre de Sophie Fontanel, ancienne journaliste mode historique du ELLE, aujourd'hui pro d'Instagram, précurseuse de l'outil Internet, chroniqueuse dans L'Obs, elle est une boite à outils que j'admire pour parler (et savoir en parler) sérieusement de la futilité et se poser des questions sur un monde en apparence futile, snob et gravitant les pieds sérieusement loin de la Terre. Je comptais attendre un peu pour le lire et puis là... mon livre que j'avais amené, Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur, m'a paru moins intéressant (alors qu'il l'est, mais c'est une autre histoire, un autre avis, un autre post). Je l'ai avalé en quelques heures, j'ai plongé dans l'écriture métaphorique et poétique de Sophie Fontanel et j'ai même pleuré devant certains traits d'une esthète qui m'aide depuis longtemps à assumer mes goûts jugés futiles. 
C'est une histoire de vocation. Je pensais trouver celle d'une journaliste, j'ai découvert celle d'une amoureuse des beaux habits partie chercher des transes d'élégance. Evidemment je le savais, il faut suivre l'Instagram délirant et même révolutionnaire de cette écrivain pour comprendre ses questionnements perpétuels sur le thème de l'élégance. C'est quelque chose qui me parle, une discussion récurrente que j'ai avec ma mère et après cette lecture, c'est même une question quotidienne quand je croise quelqu'un. Pour tout vous dire, je ne vais pas faire une chronique de ce livre que j'ai trouvé génial et qui m'a touché, vous en trouverez des très bonnes dans les médias traditionnels et une super interview de Sophie Fontanel chez Café Mode. Je préfère vous parler de ce thème qu'elle met en avant : l'élégance. Qu'est-ce que l'élégance ? où la trouver ? comment la perpétuer ? comment un habit vous élève, vous cache, vous transforme ? quelle est la force d'un habit ? C'est toutes ces choses merveilleuses sur la mode dont Sophie parle avec ironie, décalage et un amour gigantesque. Ca me parle d'autant plus que la mode n'est pas franchement élégante, qu'il suffit de regarder un Truffaut pour découvrir qu'aujourd'hui le casual a pris les devants, qu'on n'ose à peine mettre un long foulard dans nos cheveux, du rouge sur ses lèvres. L'élégance est différente pour chacun d'entre nous, pour certains il s'agit d'attitude, pour d'autres de détails, et d'autres encore, de vêtements. Contempler quelqu'un d'élégant est une vanne ouverte à l'admiration, on accumule les petites choses qui nous impressionnent, en espérant qu'avec le temps nous les ferons nôtres. 
Ca m'a également amené à me questionner sur la féminité, la sensualité, la vulgarité. Je me souviens d'une personne que j'ai trouvé incroyable, voluptueuse, féminine, énergique et lorsque je l'ai dit à des amies, elles ont réagi ainsi "mais non, tu n'es pas sérieuse, elle est tellement vulgaire". Et là je me suis demandée quels étaient les codes communs ? Sont-ils différents selon les classes sociales, l'éducation ? Peut-être aujourd'hui. Pourtant, dans les années 60, je vous défie de prendre une photo d'ouvrière sur son 31 et de la dissocier d'une grande bourgeoise. Car les codes étaient établis pour être élégante. Et le raffinement dans la coiffure ou dans un chemisier n'avait pas de prix. Aujourd'hui, les codes sont subtiles et il faut les avoir tous pour bien saisir qui l'on a en face. Un énergumène étrange ou une fashion victime ? Une femme au foyer au bout du rouleau ou une bobo savamment négligée ?

Un souvenir me revient alors que je vous écris. Ma mère, à Paris, dans le métro puis chez Merci, je lui montre les femmes que j'admire, que je regarde et elle secoue la tête l'air de dire "ça y est je ne suis plus dans le coup, je ne comprends plus rien". Elle me dit "le cheveu est gras, le pantalon mal taillé, la chaussure sale et mal entretenue, le sac sans forme, les couleurs de sa fourrure immondes", ce à quoi, estomaquée, je réponds "elle est tellement cool, tellement naturelle, elle a le dernier sac à main en cuir mou que j'adore et ses bottes sont vintage rock'n'roll. Elle est tellement bobo chic parigo". Les codes, les croyances et les tendances.
Pourtant, en grandissant, je sais que ma mère a raison. Qu'un blaser bleu marine et mes derbys aux pieds auront toujours plus d'effet qu'une énième jupe "genre je copie Carven" et un tee-shirt "mega tendance comme chez Jacqemus". Que l'élégance amène l'uniforme, les basiques et les vêtements simples, ceux qui subliment la personne en ayant le chic d'être discrets mais immanquables. Je pourrais en parler des heures de cette question, c'est pour ça que le livre de Sophie Fontanel m'a plu, c'est pour ça qu'il m'a ému, parfois jusqu'aux larmes. Parce que remarquer un acte élégant, une posture gracieuse, un chemisier raffiné, c'est le comble d'un moment volé d'esthétique délirante, pour moi einh, pas pour tout le monde, je le sais bien. Le Larousse dit qu'esthète est péjoratif car il place le beau au dessus de toutes les autres valeurs. Mais pourquoi est-ce péjoratif ? J'ai passé deux ans dans une école de journalisme a être tiraillé entre mes envies et mes passions pour le beau et la nécessité de connaître le monde et de s'intéresser à la politique, l'économie et la société. J'ai mis deux ans à concilier les deux. Pas dans l'apprentissage car les deux me tiennent à coeur et en haleine mais à concilier publiquement les deux thématiques. A pouvoir parler d'Eames et de la politique fiscale française, à connaître la vie de Le Corbusier par coeur et pouvoir discuter sérieusement de la réforme pénale et en être fière. Ce livre est comme une clôture à un long parcours personnel pour mettre en balance les deux. Arrêter de me flageller parce que je peux hurler devant un meuble, rougir devant un plat, trembler devant une flanelle, m'extasier sur un revêtement, m'ébahir devant une sauce, succomber à un détail. Sophie Fontanel fait du bien car elle ne balaie pas la futilité évidente d'un milieu, elle le prend, le malaxe, le décrit sans faux semblants, avec un amour délirant qui regarderait ses enfants fous. Certes fous mais génies fous. Et elle les gronderait avec amour, parlerait de leur malice et de leur défaut avec attendrissement. Elle ne se voile pas la face en recrachant un monde génial où la mode serait l'épicentre. Elle prend ce qui est notre quotidien et lui redonne une valeur centrale dans nos comportements et nos choix. Elle retranscrit ce monde de luxe qui s'écarte souvent de l'élégance, elle embrasse le choix du beau avec intelligence. Un combat de tous les jours.

2 commentaires:

pauline a dit…

Hello !
Ton article m'a encore plus donné envie de lire le livre de Sophie Fontanel ! Je la suivais sur ELLE et maintenant sur instagram ! J'adore !
Je viens regulierement sur ton blog (mais je ne laisse jamais de commentaires) et j'aime beaucoup tes articles, ta vision des choses, tes adresses geniales de resto, tes voyages, les articles déco..! Top !

Pauline =) =) =)

Anonyme a dit…

Bonsoir, j'ai lu attentivement votre article sur miss Fontanelle, j'avais adorè quand vous étiez juste née puis oubliée, je l'ai revu sur la 5 à C à vous et là je n'ai rien compris, elle semblait "cracher dans la soupe" celle qui l'avait nourri !!!
J'étais déçu. Peut être lirais je son livre grâce à vous, mais elle doit faire attention, on peut avoir été sans en garder d'amertume et observer avec bienveillance ce que la jeune génération crée !!
Elle est peut être meilleure a l'écrit quand elle peut se relire qu'en direct ??
Je vais essayer d'être plus intelligent qu'elle et lire ce que vous avez adoré !!
Bon weekend