jeudi 8 janvier 2015

Je suis Charlie


Tristesse, colère, nausée.
On en reparle après le boulot.
Rendez-vous place de la République à 18h.


Enfin, je suis capable d'écrire. Ce qui était tout simplement impossible hier me semble atteignable désormais. Même si je ne pense pas avoir les capacités d'écriture pour transmettre mes sentiments et ma pensée clairement, je préfère transmettre des petits bouts dispersés plutôt que rien. Après tout, c'est en partie grâce à ces hommes que je peux aujourd'hui taper sur mon clavier et donner mon opinion, mon avis, sur un blog pas forcément très politisé (pas politisé du tout).
Autant j'hésite parfois à parler de sujets qui me touchent, autant, déjà, hier, j'étais certaine de vous en parler ici.
Entre hier et aujourd'hui, j'ai l'étrange impression d'avoir vécu trois semaines accélérées. Je me suis réveillée avec une gueule de bois incroyable aujourd'hui, pas littéralement mais tout mon corps et mon esprit étaient dans le même état que durant la pire de mes gueules de bois. C'est dire. Alors ce sera peut-être du n'importe quoi, peut-être flou, peut-être mauvais, mais on murmure que l'écriture est réparatrice et source de guérison. Croyez-moi, vu la douleur que j'ai au coeur, mieux vaut tout tenter.

Mercredi j'étais dans le métro, le matin, recevant un mail de ma formatrice chérie qui nous demandait d'écrire. Et c'est étrange comme j'y ai pensé ce matin là, au fait que c'était si beau de pouvoir écrire. Ecrire sur tout. Ecrire comme on le sentait. Ecrire avec un humour grinçant. 11h et quelques au bureau, premier mail d'une collègue journaliste "tu as vu à Charlie ?" : début de l'enfer. 12 personnes assassinées. Comme un mauvais souvenir je ne me souviens pas vraiment de ce que j'ai fais ou pensé. Mais cet après-midi-là a été une véritable horreur, comme pour nous tous je crois. A 22ans aujourd'hui, j'étais très jeune durant le 11 septembre et je ne me souviens pas avoir reçu ce poignard dans le coeur. Mercredi après-midi, j'ai pris une baffe. Une énorme baffe qui m'a fait tourner 36 fois sur ma chaise, elle était pleine de haine, de non sens, de vomis, de peur, de colère, de hargne. Elle m'a cognée avec puissance et m'a laissée ahurie, abrutie.

Certes la décoration est une passion que je ne renie pas, quelque chose que j'aime et que j'admire, dans lequel je m'épanouie pour trouver ma petite et modeste place de journaliste. Mais soudainement tout ça paraissait si futile. Je n'en avais rien à foutre de terminer quoique ce soit, de travailler, d'avancer. Je retenais juste mes larmes. J'avais mal. Sans mettre de mots sur cette étrange douleur qui s'emparait de moi.
A 18h je fonçais à République pour le premier rassemblement spontanée en hommage à ces grands bonhommes, ces confrères qui avaient une liberté de ton ahurissante, un regard enfantin et une bienveillance apaisante. La sortie du métro était difficile. Lorsque j'ai sorti ma tête et que j'ai vu cette marée humaine, j'allais mieux. Certes mes yeux brillaient mais nous étions ensemble. Elle était tout autour de moi la France dans laquelle je veux vivre. Mais quand j'ai quitté cette assemblée, mon coeur a très vite resombré. Peut-être ne comprenais-je tout simplement pas comment cette folie pouvait être possible. Sans doute découvrais-je la folie humaine, le monde dans lequel je vis vraiment, sa vraie face, sa pire face. J'ai enfin compris que la terreur était absurde. Je ne trouvais pas de sens. Je ne trouve pas de sens. Ils ont pointé des types courageux, poètes, drôles, audacieux, jouisseurs, bourrés de gentillesse, bons vivants, déconneurs, brillants d'intelligence... Tout d'un coup un évènement dépasse mon cerveau qui souhaite rationaliser tout ce qui lui arrive. Ils ne croyaient en rien et peut-être ne respectaient-ils rien, quelle liberté ! Mais surtout quel courage de vivre avec la peur et de continuer. La liberté et la peur. Ca vous remet soudainement à votre place.
Ce matin c'était pire. Mais entre temps, j'étais désormais et pour la première fois de ma vie, révoltée. Ce qui comporte de la colère, de la tristesse et l'envie d'avancer pour que demain soit moins pire.


ps : veuillez m'excuser pour les posts qui se sont publiés, ils étaient programmés et n'ont vraiment rien à faire pour l'instant ici. Ce n'est pas mon état d'esprit actuel, ni ce que je veux transmettre en ce moment. Ceux de demain et de ce WE seront repoussés. Pour rester encore un peu avec eux.




Bon c'est torchon torchon tout ça olala. Je ne sais même pas où je veux en venir. J'aimerais vous parler de la liberté de la presse, de la nécessité de nous bouger, de ces types formidables, de la religion, de la stigmatisation blablabla mais tout s'entrechoque, tout se confond, tout se mêle dans cette énorme gueule de bois qui dure.


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2 commentaires:

Anonyme a dit…

Jolie analyse parés cette merde, nous en sortons grandi ? Aujourd'hui peut être mais que ferons nous demain, merci pour votre honnêteté qui fais du bien devant tant d'images et de paroles qui necserontbpeut être pas suivi de grands choses !!
Merci à votre jeunesse pour cette bouffé que vous apportez !

Anonyme a dit…

Ne vous excusez pas, la génération précédente que je représente n'est pas plus pragmatique vis à vis de cette horreur.
Il y a aura forcément qq chose qui ressortira de tout cela, plus d'entraide, moins de haine, simplement l'envie que notre société soit plus fraternelle.
revenez à plus de légèreté, j'ai lu vos posts précédents que je ne connaissais pas; courage la vie vaut la peine d'être vécu et vous le savez.
N'essayez pas de rationaliser l'irrationnel, je suis certain que vous allez y arriver.