Ecoutez vous le podcast « le goût de M » ?
Comme son nom l’indique il (ou plutôt Geraldine Sarratia, hôtesse intervieweuse et géniale journaliste pour le M, le magazine du Monde) interroge le goût des gens (et plus particulièrement de personnalités connues comme Valérie Lemercier, Jacquemus, Nicolas Matthieu, Alain Chamfort, Marine Serre, Antoine de Caunes, Clara Ysé et tant d’autres !) depuis plusieurs années. Le goût de notre enfance et donc de nos parents, le goût de nos amis, le goût de nos papilles, le goût du dégoût des autres. Immenses pensées pour LE film "Le goût des autres" qui m'avait tant frappé à l'âge de 8 ans. Je divague.
En y réfléchissant - à chaque fois que j’écoute le podcast - je crois pouvoir dire : « C’est l’élégance d’y faire attention. »
Je m’explique.
J’aime quand je peux déceler que la personne se pique d’intérêt. Que je décèle un choix.
Pour sûr, partager un goût, avoir le même, retrouver ses pairs, c’est agréable. C'est en quelques sortes, rester en territoire conquis où l'on s'auto-congratule à travers les mêmes codes. "Ah, il a la bonne montre" - "tiens, il a cette boucle d'oreille de cette marque que je suis aussi sur Insta" - "tu as vu, il avait ce magazine posé sur sa table" - "ou cette édition introuvable de ce livre" - etc. etc. Mais, à vrai dire, j’aime tous les styles, comprenez ceux qui pourraient entrer dans mon style et puis tous les autres, ceux décrits comme faux pas face au bon goût admis par l’élite. J'aime aussi toutes les dérives snobinardes ou ploucs. Je suis connue par mes proches pour tout aimer et admirer très aisément les gens qui ont de l'aplomb.
Peu m’importe tant que je vois qu’il y a eu choix, connaissance, volonté de. D’un string apparent à mon mari qui propose une combinaison douteuse de vêtements, je n’aime rien tant que l’intérêt quils ont porté à sélectionner ces pièces. Une piece de mobilier comme une paire de chaussures d'ailleurs.
Les objets ont plus valeur de cabinet de curiosité qu’une fringue portée. On peut davantage se laisser « aller » chez soi. Le vêtement est fait pour sortir. La NSL de Constance Dovergne etait parlante sur ce point : qui y a-t-il chez les gens que vous reconnaissez et élevez au rang de "déclaration" de goût (statement en anglais). Ce sont des détails, la "bonne" bougie, la surpiqure d'une chaussette qui établit sa provenance, l'usure d'un sac qui veut dire seconde main. Souvent des éléments de l'ordre du rare, du précieux ou, au contraire, et c'est toujours la curieuse barrière du bon goût, des choix provocants (gentiment j'entends), comme des pieds de nez à l'ordre établi. Chez soi, on divulgue son intimité et son quotidien. Alors que s’habiller, c’est parfois se vêtir pour une circonstance donnée. Que fait cette fille avec son string apparent. Où va-t-elle. Pourquoi l’a-t-elle choisi ce matin. Peut-être ne l’a t elle pas choisi consciemment. Peut-être est ce son habitude. Ce qui racontera autre chose d'elle. En tout cas je ne juge pas son goût pour cette typologie de vêtement. Ni pour les cirées jaune, ni pour les doudounes, ni les jogging (ah si sauf les legging en ville, pardon, mea culpa). Mais j’apprécie son goût d’avoir opté pour une pièce forte. Tous comme les neins de jardin sur une terrasse ou les boules de neige dans une chambre. Ce que j’aime c’est finalement imaginer que cet objet a été voulu, qu’un cadeau ridicule peut-être, ou même parfois honnis, est fièrement présente ou porté parce qu'il révèle aussi l’amour qu’on a pour la personne qui nous l’a offert. Penser que derrière une simple chemise blanche peut se cacher 20 minutes de réflexion devant sa glace. C'est pour cela que j'adore faire des photos de gens "stylés" dans le métro. Tiens, je les publierai aussi ici dorénavant.
Le goût est une question passionnante. Il parle de nous, de constructions sociales, d'éducation et beaucoup de notre époque. Samedi dernier je suis allée écouter Geraldine Sarratia (citée tout en haut) qui recevait Géraldine Nakache et Julien Dossena en public lors du festival du M, le magazine du Monde. La conférence s'intitulait "comment se forge le goût" mais il était aussi question d'amitié et, sans le nommer, de transfuge de classes.
Les objets ont plus valeur de cabinet de curiosité qu’une fringue portée. On peut davantage se laisser « aller » chez soi. Le vêtement est fait pour sortir. La NSL de Constance Dovergne etait parlante sur ce point : qui y a-t-il chez les gens que vous reconnaissez et élevez au rang de "déclaration" de goût (statement en anglais). Ce sont des détails, la "bonne" bougie, la surpiqure d'une chaussette qui établit sa provenance, l'usure d'un sac qui veut dire seconde main. Souvent des éléments de l'ordre du rare, du précieux ou, au contraire, et c'est toujours la curieuse barrière du bon goût, des choix provocants (gentiment j'entends), comme des pieds de nez à l'ordre établi. Chez soi, on divulgue son intimité et son quotidien. Alors que s’habiller, c’est parfois se vêtir pour une circonstance donnée. Que fait cette fille avec son string apparent. Où va-t-elle. Pourquoi l’a-t-elle choisi ce matin. Peut-être ne l’a t elle pas choisi consciemment. Peut-être est ce son habitude. Ce qui racontera autre chose d'elle. En tout cas je ne juge pas son goût pour cette typologie de vêtement. Ni pour les cirées jaune, ni pour les doudounes, ni les jogging (ah si sauf les legging en ville, pardon, mea culpa). Mais j’apprécie son goût d’avoir opté pour une pièce forte. Tous comme les neins de jardin sur une terrasse ou les boules de neige dans une chambre. Ce que j’aime c’est finalement imaginer que cet objet a été voulu, qu’un cadeau ridicule peut-être, ou même parfois honnis, est fièrement présente ou porté parce qu'il révèle aussi l’amour qu’on a pour la personne qui nous l’a offert. Penser que derrière une simple chemise blanche peut se cacher 20 minutes de réflexion devant sa glace. C'est pour cela que j'adore faire des photos de gens "stylés" dans le métro. Tiens, je les publierai aussi ici dorénavant.
Le goût est une question passionnante. Il parle de nous, de constructions sociales, d'éducation et beaucoup de notre époque. Samedi dernier je suis allée écouter Geraldine Sarratia (citée tout en haut) qui recevait Géraldine Nakache et Julien Dossena en public lors du festival du M, le magazine du Monde. La conférence s'intitulait "comment se forge le goût" mais il était aussi question d'amitié et, sans le nommer, de transfuge de classes.
J'ai surtout adoré leur rapport à Paris. Julien Dossena, directeur artistique de la maison Paco Rabanne vient du "fin fond du Finistère", Géraldine Nakache de "derrière le périphérique", et les deux ont dit "ne pas avoir les codes". Géraldine a même dit "il fallait prétendre à autre chose". Julien lui a carrément dit s'être senti "le bouseux". Et enfin de raconter quelque chose qui m'est très cher : "Si tu n'es pas d'ici, tu n'as pas les mêmes chances. Moi, c'était surtout la question d'avoir accès qui m'intéressait. Le mercredi ça pouvait être le Louvre, le samedi, pourquoi pas la Villette !" Et d'enchainer sur comment ils ont réussi à dépasser ça et à évidemment dire que tout cela avait été une perte de temps pour eux. Mais ! Si je ne partage pas le sentiment de Géraldine qui était beaucoup basé sur le paraitre - et elle parle de la jeune fille de 18-19 ans qu'elle était - je partage entièrement la question du savoir qui pour moi était LE goût. Je savais me débrouiller de legs familiaux, du bon sac et de la bonne panoplie vestimentaire pour croire appartenir au même monde, en revanche, je rêvais de pouvoir dire avec autant d'aplomb que mes camarades de fac "t'as pas vu les Lalanne en 2010 au MAD ?" ou "Monet au Grand Palais, c'était quelque chose" ou "ah tu n'étais pas allée au musée Picasso avant sa fermeture pour travaux ?". Avoir l'impression lorsqu'on entre la première fois à la BNF (Richelieu comme Mitterrand), la première fois au Grand Palais, la première fois à St Eustache, la première fois chez Deyrolles, la première fois chez Galignani, la première fois devant Gallimard, la première fois chez Shakespeare & Co, la première fois au Studio des Ursulines, la première fois à l'Odeon, la première fois au théâtre du Châtelet, la première fois au musée Delacroix, la première fois au musée d'Orsay, la première fois au Quai branly, la première pétanque place Dauphine, la première fois à Ste Geneviève (paradis sur terre) de manger goulument la culture et de devoir tout faire tout voir pour rattraper son retard. Le rattrape-t-on un jour ?
Autre histoire géniale racontée par Géraldine (t'as vu j'ai squeezé les noms après les avoir donné une fois parce que sinon c'est trop long), celle des "pâtes au citron", connue de tous ceux ayant vu son premier film "Tout ce qui brille". En gros, l'idée, basée sur une histoire vécue de la réalisatrice et actrice, est celle d'une nana dont la famille habite une barre d'immeubles derrière le périph et qui a acquis un post assez haut dans son boulot où elle ne parle pas de ses origines. Invitée à diner, elle arrive dans un incroyable appartement à "parquet moulures" (comme elle le dit elle-même) où les invités sont beaux et où l'immense table est merveilleusement bien dressée. Là, la maitresse de maison sert... Des pâtes au citron. Dans le film, le personnage que joue Leila Bekthi (et donc inspiré de la vie de Géraldine) dit : "Elle aurait pu au moins y mettre du caviar dans ses pâtes." Et Géraldine, d'ajouter durant la conférence, "c'est vrai que je me suis dit 'tout ça pour ça !' Et j'ai alors compris ce qu'était le goût, ce qu'était le luxe." Le luxe de pouvoir servir des pâtes au citron. Ce qui m'amènerait probablement sur un autre sujet passionnant si j'avais le temps, celui du détournement des codes des classes populaires par l'élite comme forme de snobisme. Ou le goût désormais admis du populaire. Géraldine Sarratia de conclure "le goût est aussi une question de contexte". Mais n'est pas Bourdieu qui veut, et je dois faire mes valises.
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