vendredi 15 mars 2024

Truman Capote (à lire Capoti)

Avez-vous déjà lu Truman Capote ? Je suis complètement obsédée par le type en ce moment, l'idée même du type ou de sa légende, sa méchanceté mêlée à sa générosité. J'ai écouté des tonnes de podcast qui apportent des tonnes de nuances. J'adore quand un personnage s'étoffe et devient humain, c'est à dire complexe. Personne n'est qu'une seule chose. Cela m'a toujours énervée qu'on dise "toi tu es... (mettre n'importe lequel qualificatif dans ce trou)". Comme si les gens n'étaient capable que d'un seul sentiment tous les jours, toutes les saisons, avec tout le monde. N'importe quoi ! On peut être calme et excitée, bavarde et silencieuse, avoir besoin du groupe et solitaire, gentille et méchante, tolérante et terriblement réac sur quelque chose qui nous dépasse. La vie est longue. L'écrivain américain avait l'air à la fois futile et grave, capable des pires crasses comme d'un grand dévouement et d'une certaine loyauté, certains le trouvaient moche, d'autres disaient qu'il avait une gueule d'ange. Lire Breakfast at Tiffany puis De sang froid, c'est participer à deux expériences diamétralement différentes, c'est saisissant. Je vous dis ça parce que j'ai écrit pour The Good Life sur les 10 livres à lire pour essayer de s'approcher un peu plus du mythe. Et si j'ai eu cette idée c'est parce que j'ai regardé la série Feud : Capote vs the Swans, dont je parle aussi dans l'article. 




C'est une série de Ryan Murphy, que j'adore, passionné du vieux Hollywood, où les vedettes étaient des stars, où la haute société sortait avec un brushing, où le monde était bien différent. Lui aime par dessus tout replacer les minorités dans ces histoires qui l'ont tant fait rêver, en même temps qu'elles l'excluaient. Bref, la série sur Truman est une série, indéniablement, sur l'amitié, sur l'amitié entre les femmes et les gays, sur la haute société new-yorkaise évidemment, sa solitude et son vide, et, enfin, sur Truman Capote. Je viens de finir la série. Je ne savais pas quoi écrire ici mais j'ai promis à Chloé que j'écrirai quelque chose "avant le WE". Après tout, c'est ce que je m'étais (à moi et à vous) promis : écrire n'importe quoi pourvu que j'ai des choses à en dire. La série est un joyau. Les plans, les scènes, la mise en scène et la véracité historique, comme souvent lorsque la série s'appuie sur un roman existant, le taffe de recherches a été fait en amont et le résultat n'en est que plus véridique. Il faut savoir quelque chose sur moi qui peut être éreintant : j'adore les biopics et les films "de faits réels". Le problème est que je vérifie tout, dans les moindres détails. Regarder The Crown avec moi peut être éprouvant. Je suis même allée regarder des vidéos de Tony Blair durant son speech au Women's Institute (pour les gens qui ont la ref'). Bref. La vérité compte. Je n'ai d'ailleurs jamais compris pourquoi un cinéaste qui veut raconter l'histoire de quelqu'un ou relater un fait historique aurait envie de prendre ses aises avec les faits. Plus je vieillis moins je suis détente là-dessus... Pourquoi me faire croire pendant deux heures que je regarde Napoléon si rien n'est vrai ? Invente donc ton personnage ! Celui-ci est déjà pris. N'est-ce pas merveilleux de transcender sa créativité en donnant la "bonne" version. Je ne parle pas des faits subjectifs qu'un réal voudrait traduire, mettre à sa sauce ou deviner. Je parle de mentir ! Après cinq lignes, je pense que vous avez saisi mon propos. Et bien, après vérification, la série de Ryan Murphy est une mine d'informations précises et vérifiées, relatées sans le moindre défaut. Evidemment, personne ne peut savoir si Truman Capote s'est vraiment allongé sur la tombe de Babe Paley en frappant trois froid sur le marbre froid "Knock knock knock, tu me laisses entrer ?" dit-il de sa voix archi désagréable mais finalement fluette et si sensible. Evidemment je ne peux pas vérifier si les Cygnes de la Cinquième avenue ont vraiment dit ça à table, ou si Truman, dans une scène que j'ai re-regardé trois fois, a vraiment mangé du cygne avec délectation, mais, enfin, les faits et dates et âges des protagonistes sont respectés. 

Il faut regarder la série pour se délecter de l'épisode du Bal en noir et blanc donné en l'honneur de la directrice du Washington Post au Plaza en 1966 par Truman Capote. A l'époque, il gagne enfin sa vie, a déménagé, ça roule quoi ! Et il décide d'organiser la fête du siècle avec 16 000 $, du mauvais champagne et du hachis de poulet servis aux Rockfeller et autres Kennedy à minuit. Ce qui me donne envie d'écrire aussi sur le nec plus ultra du snobisme aka s'accaparer les codes des milieux populaires, mais restons pour aujourd'hui sur notre sujet. Evidemment (troisième utilisation du terme, diantre, pardon ! Je ne vous mérite pas) c'est un carton, tout le monde adore, tout le monde s'amuse, tout le monde se lâche sous son masque et sa robe à paillettes (voir celle, sublime, de Lee Radziwill). Quand j'ai poussé la vérification de l'histoire, je n'ai pas trouvé la vidéo des cinéastes qui sont sur place pour filmer la soirée (comme on le voit dans la série). La vidéo existe pourtant. Elle fut un temps sur Mubi. Mais je ne l'ai pas retrouvée. J'aimerais faire une thèse et passer un an à lire des choses, zoner à la bibli et rendre 100 pages sur "Le monstre de la littérature américaine Truman Capote était-il un sale type ?". Je crois que je vais rester longtemps avec ce sale type, je viens de rouvrir, ce matin dans le métro, "De sang froid" et son écriture acérée. Ce n'est pas ce que je fais ici. Et je parlais encore par texto il y a seulement quelques minutes avec mon amie Eloïse de l'utilisation abusive des superlatifs. Dans son illustre roman (qui invente peu ou prou le roman de non-fiction) Truman Capote souhaite "sous-écrire", devenir "invisible". Et dans chaque phrase n'y mettre qu'une seul intention, un fait. Rien de plus. 

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